@PumTchak
Il faut lire ses voeux de 1969. Il a compris ce qui était en jeu derrière le "théâtre" de mai 68 mais effectivement il est longtemps passé à côté de cette crise sociale et culturelle qu’il ne comprenait pas vraiment. C’était un homme du XIXème sur ce plan : l’ordre social doit se suffire à lui-même.
Totalement d’accord avec ton deuxième paragraphe. Mon père était ouvrier dans les années 60, il allait bosser en solex été comme hiver et gagnait une misère, qu’il devait verser au reste de la famille pour aider mes grands-parents. Ca l’avait durablement marqué et pour lui Mai 68, comme pour des millions de Français, a été une indéniable amélioration, qui l’a émancipé matériellement et moralement (avec le service militaire). Il est toujours fier de raconter le jour où avec quelques collègues de travail, ils sont montés à Paris pour aller sur les barricades. Leur patron les avait tous aussitôt virés. Un mois plus tard, ils gagnaient 40% de plus et avaient une demi-journée de repos supplémentaire.
Le problème c’est que les mecs comme Soral (bourgeois qui n’a jamais vraiment "travaillé") ont contribué à entériner l’image caricaturale d’un mai 68 exclusivement estudiantin limitée à des revendications sexuelles de petits bourgeois et piloté par la CIA.
les souffrances et privations de la guerre, on ne sait pas ce qu’on gagne, mais on sait ce qu’on perd, un sous est un sou, etc.
J’ai bien connu cette mentalité souffreteuse du côté d’une partie de ma famille qui avait eu des conditions de vie difficiles durant la guerre. Ma grand-mère et ma mère dans une moindre mesure en était imprégnée : "un tiens vaut mieux que deux tu l’auras", "dans la vie on fait ce qu’on peut, pas ce qu’on veut", soumission instinctuelle et craintive à toutes les formes d’autorité (instituteur, curé, médecin...) etc... une grande partie des Français vivaient encore dans cet accablement et cette inhibition morale hérités de l’occupation. Il est trop facile de caricaturer 68 sans en comprendre les ressorts profonds.