@LUCA
Roland
Dorgelès a laissé faire les mouvements d’une queue d’âne imbibée de peintures
sur une toile, qu’il a appelé Et le Soleil
s’endormit sur l’Adriatique, puis Marcel Duchamp a présenté son urinoir
qu’il a appelé Fontaine. Leurs démarches étaient d’interroger la différence
entre l’art, capable de lire le spectacle du monde, d’en partager sa beauté et
l’imposture, le faux. Sauf que ces gestes sont devenus le nouveau mode d’expression :
juste provoquer, se foutre de la gueule du public. L’art, c’est plus que ça. Un
peu comme 1984, d’Orwell : c’était une alerte, pas un mode d’emploi. Si l’art
est pour raconter le moche, qu’on ne nous demande pas de respecter ce qui
contribue à l’enlaidissement du monde, à éteindre notre empathie naturelle pour
celui-ci. Il faut savoir le dire aussi, quand c’est de la merde.
C’est l’air
du temps : toute l’architecture d’après guerre, dans laquelle on vit, est
laide et ne durera pas plus de 200 ans, alors qu’on n’éprouve pas du tout les
mêmes sentiments quand on se promène parmi des vestiges millénaires encore
debout. Ce qui est attractif pour les
touristes, à Paris, sont les bâtiments et squares anciens, pas les immeubles en béton ni
les plateformes, pourtant plus modernes. Ne subsistent que quelques rares
architectes d’exception, comme Antoni Gaudi.
L’origine du
monde est provocante, certes, mais pas moche. Lu sur un graffiti en Côte d’Ivoire : "Toute la beauté du monde se trouve entre les jambes d’une femme". Dans tous les temples hindous, et il y en a des
centaines de milliers, sans doute plus, on vénère en son cœur peu éclairé un phallus dur et
une vulve ruisselante. Mais dans ce clip, le sexe est moche. Et le porno ?
Bah, le sexe, c’est ce qu’on en fait. Attiser les frustrations n’est pas ce qui
apaise, ni ne rend heureux, ou plaisant, ni ne rend intelligent avec, l’inverse de ce pour
quoi le sexe est fait.