Je vous parle d'un temps que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître ! D' une époque qui a vu s'intaller une génération d' Hommes avec un grand 'H' tels qu'on n' en rencontre plus aujourd'hui, tellement cette époque paraît aujourd'hui 'hors du temps'. Peut-on imaginer une seule seconde, nous qui baignons dans le modernisme et la société du paraître où seuls ceux qui font du bruit (quelques soient par ailleurs leur opinion ou leur idéologie) sont dignes d'être écoutés, qu'il y eut une période bénie de grands personnages se foutant éperdument de la notoriété en tant que telle en regard de l'idée qu'ils se faisaient de leur "honneur" ? Est-il possible de croire à notre époque, seulement quelques jours après la disparition de Georges Lautner, le père des 'tontons flingueurs', que de tels personnages, qu'il s'agisse de Jean, Lino, Georges, Jacques ou Léo, considéraient alors que la pudeur et la discrétion en société étaient des qualités essentielles ?
Cette époque date d' il y a très très longtemps, d'une éternité...En fait d' à peine un demi-siècle ! Epoque où l'on pouvait encore côtoyer un monde de vrais hommes. Ou pour le dire autrement un monde "d'hommes vrais" ! Il était une fois...
Des hommes d’honneur !
Voici un discours de 2002 par Pierre Messmer, résistant, ancien ministre des armées sous De Gaulle puis premier ministre sous Pompidou, sur le sens de l’honneur :
" Le Bicentenaire de l’Ordre de la Légion d’Honneur que nous célébrons cette année 2002 est un temps privilégié pour nous interroger sur cette valeur au charme désuet qu’est l’honneur. Quand nous lisons sur les drapeaux la devise « Honneur et Patrie » inscrite aussi au revers des croix de la Légion d’Honneur, nous sommes ramenés à un monde familier aux hommes de ma génération, mais qui semble étranger aux préoccupations contemporaines. On a tendance à dire que le sens de l’honneur est en voie de disparition dans nos sociétés, sans parler de celui de la patrie. Le constat est confirmé si l’on s’en tient à l’emploi du mot, disparu du vocabulaire courant, sans pour autant être devenu obsolète. Cette désaffection actuelle s’explique sans nul doute par l’usage idéologique qui en a été fait dans les siècles passés et qui lui donnent un parfum vaguement réactionnaire. Il connaît de ce point de vue un sort similaire à celui qui risque d’entacher l’image de Jeanne d’Arc, quand des factions extrémistes tentent de l’accaparer. La Légion d’honneur est un ordre de chevalerie, héritier des ordres de l’ancien régime, Saint Esprit, Saint Louis en France, Toison d’or, Jarretière, Ordre du Christ à l’étranger et précurseur des ordres innombrables qui ont été créés au XIXe et XXe siècle, par les pays indépendants.
Mais rares sont ceux qui se réfèrent à l’honneur.
Un bref rappel étymologique rappellera comment s’est constituée en Occident la notion d’honneur. ’L’honor’, c’est tout d’abord, dès l’époquecarolingienne, un bien donné par le souverain en échange d’un service rendu. Il s’agit d’une récompense d’abord viagière, puis héréditaire. De cette époque, le mot garde encore son acception matérielle, quand, par exemple, on « rend les honneurs » à quelqu’un. Toutefois, dès le XIe siècle, avec le développement de la chevalerie, la notion morale d’honneur fait son apparition dans le lexiquefrançais. Dans la Chanson de Roland, composée vers la fin du siècle, si « honneur » signifie toujours « fief » et « prestige », il commence à se dégagercomme cette qualité particulière qui s’oppose à la honte. « J’aime mieux mourir que choir dans la honte » s’écrie Roland à Roncevaux. Sens que l’on retrouve, quelques années plus tard, dans la Chanson d’Antioche, sous la forme suivante :
« Qui plus creint mort que honte n’a droit en seignorie »
Cette première définition à laquelle l’examen historique nous a conduitappelle trois réflexions
- L’honneur est un effort, c’est-à-dire une force, une puissance, ce qui lie la notion de façon inéluctable à l’action. L’honneur est à conquérir, mais surtout à défendre. Comme le disait Boileau, il s’agit d’une « île escarpée et sans bords » ; « on n’y peut plus rentrer dès qu’on est dehors » (Satire X).
- L’honneur est une valeur collective, puisqu’il dépend de l’estime que l’on a de vous. Les actes d’honneur n’existent que reconnus comme tels par un groupe de gens partageant des valeurs communes. Tel est le cas, en principe, de la Légion d’Honneur.
- L’honneur est en même temps un sentiment individuel, subjectif qu’exprimaitBlaise de Monluc dans la formule célèbre de ses commentaires : « Nos vies et nos biens sont à nos rois. L’âme est à Dieu et l’honneur à nous. Car sur monhonneur mon roi ne peut rien »....
Et c’est dans ce cadre que le sens de l’honneur m’apparaît plus que jamais souhaitable. Force d’action qui pousse l’être humain à se dépasser dans des actes qui, sous une forme ou sous une autre, exigent toujours du courage l’abnégation totale, en faveur de réalités et de croyances supérieures, le sens de l’honneur permet de s’arracher au monde et de s’élever au-dessus des contingences de la vie. Parce qu’il est puissance d’action et refus de ce qui est bas et vulgaire, parce qu’il est avant tout un souci de soi et de l’image idéale qu’on en a, parce qu’il est impérieux dans ses commandements, le sens de l’honneur sera sans doute l’un des ferments qui fera naître la nouvelle morale de nos sociétés démocratiques individualistes."
En d’autres termes, face à une société moderne qui fonde ses valeurs sur une morale égalitariste et nivelante de manière horizontale, l’honneur (ou la vertu selon l’antique république) cherche à "élever" l’individu dans une vision ’verticale’.
L’honneur, c’est à dire le respect des anciens, le respect de la parole donnée ou encore le souci de protéger les plus faibles, non pas parce qu’on y est contraint par l’état ou par une quelconque association à la con mais parce qu’on considère, en son for intérieur, que c’est cela "être un homme". Tout simplement. Et à cet égard, Un Jean Gabin ou un Lino Ventura incarnaient la quintessence même de ce que doit être un Homme (toujours avec un grand ’H’). Lino, cet homme massif, immense acteur au visage si expressif (surtout lorsqu’on les ’lui brisait menu’) qui n’était certes pas Soeur Sourire mais qui cachait derrière sa carapace virile et sa personnalité d’ours renfrogné un coeur immense qu’il n’aimait pas mettre en avant. Cette authentique générosité discrète (qui est la marque des vrais gentils) fut illustrée au travers de l’association ’Perce-neige’ qu’il a fondée afin de venir en aide aux handicapés tout ça sans tambours, ni trompettes pour le faire savoir. Le voici lors d’une cérémonie des Césars rendant hommage à son "maître et ami Jean Gabin", le genre d’hommage qu’on n’entend plus aujourd’hui.
Les trompettes de la renommée, totalement débouchées aujourd’hui
Et puis à cette époque, il y avait aussi Georges Brassens qui, contrairement aux chanteurs d’aujourd’hui, ne brassait pas du vent. Georges, ce grand timide, anar-poète, magicien des mots qui pouvaient être trempés soit dans du miel, soit dans de l’acide selon les circonstances mais dont la force et la précision ponctuées à chaque couplet par un petit sourire espiègle étaient autrement plus cinglants que les braillards d’aujourd’hui.
Telle la chanson ’Les trompettes de la renommée’, tellement visionnaire car résumant si magnifiquement la période (de merde) que nous vivons aujourd’hui. Chanson qui lui vaudrait à coup sûr aujourd’hui un procès pour misogynie et homophobie mais qui reste à écouter sans (aucune) modération !