Concernant la question posée sur la responsabilité des
candidats et des médias sur la qualité de la campagne, j’ai une réponse très
tranchée : c’est la faute des médias !
Certains des éditorialistes sur le plateau essaient de
rejeter la faute sur Fillon ou Macron , je ne suis pas un fan des deux
personnages mais c’est un mauvais procès qu’ils leur font. Ce n’est pas de la
faute de Fillon si les médias se sont attardés sur les histoires de costumes ou
sur son épouse. Je ne dis pas qu’il ne fallait pas traiter de ces questions,
mais il y’a des façons intelligentes de le faire , en
faisant par exemple des analyses sur l’évolution
des mœurs des politiciens et la façon de les cadrer.
Ce n’est pas non plus de la faute de Macron s’il dit tout et son contraire , il ne
fait que prospérer sur le système médiatique qui s’attarde presqu’exclusivement
sur les postures et non sur le fond des
programmes. On ne peut pas lui en vouloir de chercher à gagner.
C’est le journalisme politique qui donne une visibilité aux candidats et ce
sont les journalistes politiques qui offrent un cadrage discriminant, une interprétation et une
orientation de l’attention publics sur des objets préférentiels. Mais qu’est
devenu ce journalisme politique ? Comme je l’exprimais
dans un autre commentaire, le journalisme politique est aujourd’hui devenu une
synthèse entre le journalisme sportif et le journalisme de télé réalité.
C’est-à-dire qu’il se limite dans cette
campagne généralement ( à part de rares exceptions près ) à aborder
l’élection présidentielle sous le prisme d’une compétition sportive ou de télé réalité dans laquelle seul
importe les stratégies de communication des concurrents. Il s’agit donc
presqu’ exclusivement pour les journalistes de jauger les tactiques
individuelles ou collectives, de relever les joutes verbales et les répliques
cinglantes ( cfr clash téléréalité) , de confisquer le temps d’antenne pour
faire valoir que telle communication est à leur gout meilleure que telle autre
, de créer la polémique sur des saillies impromptues (Vel d’hiv ) , de
commenter les tweets ,les captures d’écrans , les courts extraits vidéos ,
d’évaluer la stature des candidats selon leur physique et leur tenue ,
d’administrer des étiquettes et surtout d’évoquer les turpitudes et les misères
d’un candidat ( Fillon ) , les affaires qui gangrènent , les mésaventures
rhétoriques ( Macron et la Guyane ) , les divisions , les alliances , en
résumé tout les ingrédients d’un feuilleton avec ses héros , ses traîtres , ses rebondissement , ses intrigues (
secret story).
Ensuite bien sur, il y’a l’obsession
d’ausculter les entrailles de l’opinion publique ( sondomanie ) pour classer
les candidats suivants différentes méthodes d’élaboration de pronostics (
journalisme de diagnostic politique qui disparaît au profit du journalisme de
pronostic qui se rapproche du pari sportif ) , des chroniques sont massivement
mobilisées pour commenter , spéculer et anticiper jours après jours ,
heures après heures voir minutes après minutes ( sondages qui tombent du ciel
quelques minutes après les débats entre candidats ). Il y ‘a quelques
choses qui fait penser à ces salles de marchés ou l’on rachète et revend à la
milliseconde. La couverture médiatique de cette campagne s’apparente
à celle d’un spectacle animé selon des logiques concurrentielles et
mercantiles.
Je ne dis pas que l’analyse de la
communication est mauvaise en soi, il m’arrive de le faire moi aussi. Mais là,
on en est au point ou il n’y a quasiment plus que ça. Passe à la trappe
l’information sur les programmes et l’enquête sur la fiabilité de leur
réalisation, l’examen comparatif et approfondi des prises de positions, l’étude
des arguments et des trouvailles, l’analyse de la cohérence idéologique, tout
cela est enseveli par du journalisme de commentaire des postures
communicationnelles. Et le comble, c’est que c’est cette éditocratie
sondomaniaque couine sur la médiocrité du débat public alors que sa qualité
pour une large part dépend d’elle.