@Daruma
Super ton commentaire que
je trouve bien structuré (donc pour moi facile à comprendre et à y répondre globalement sans couper les phrases ), je vais tenter
de lui répondre en produisant le même effort au niveau de la structure :
-La question
centrale à laquelle amène ton commentaire est le suivant : le stéréotype
dit-il quelque chose de la réalité sociale ? Je vais répondre ceci : le
cerveau humain est conçu pour créer ou pour adhérer à des stéréotypes , la
réalité est tellement complexe que de façon spontanée nous
généraliserons ou simplifions de façon caricaturale des faits variés et complexes,
le stéréotype fait partie de ces éléments qui rendent plus simple notre
perception de ce que nous appelons communément « le réel » ( et on ne
va pas se mentir , nous en avons tous des stéréotypes , sinon nous ne
serions pas humains ). Donc , la réponse : oui , le stéréotype dit
toujours quelque chose , soit sur un phénomène , soit sur ceux qui évoquent le stéréotypes , (en général souvent sur les deux). Et c’est pour ça que le
stéréotype « fonctionne ».
-Une fois qu’on a dit cela
, est ce que le stéréotype , sous prétexte qu’il dit quelque chose , est
pertinent au point d’être mobilisé à des fins politiques ? Ça dépend de la façon dont on conçoit l’espace
politique : soit on pense que c’est un espace qui doit etre dominé par les
instincts , les intuitions immédiates , les impressions , par la façon dont
notre cerveau conçoit spontanément le monde , dans ce cas-là on considère
que l’usage du stéréotype est légitime. Soit on pense que c’est un espace qui
doit etre dominé par la rationalité et par la logique , dans ce cas la
mobilisation des stéréotypes est perçue négativement , tout simplement parce
que la réflexion rationnelle est ce qui permet à notre cerveau de s’émanciper
de ses réflexes spontanés qui sont à l’origine de la construction de ces stéréotypes
et d’aller vers une compréhension beaucoup plus aigüe et affutée de ce que nous
nommons « la réalité ». Moi j’essaie tant bien que mal et très laborieusement
, de faire partie de la seconde catégorie.
-De là , ce que dis cet
article et les vidéos associées , ce n’est pas que le bobo n’existe pas en soi
, il existe autant que le beauf , c’est-à-dire comme un cliché avec des
critères un peu flous issus de nos expériences personnelles et qu’on accole (
souvent abusivement ) à des gens qu’on rencontre dans nos vies de tous les
jours. C’est qu’il n’existe pas en tant que catégorie sociologique et en tant
que groupe social suffisamment pertinent pour être mobilisé politiquement comme
l’a fait Sarkozy par exemple et c’est bien ça la critique de fond du sociologue
de la première vidéo. Tu dis que l’exemple
du beauf se retourne contre ma thèse mais bien au contraire : si demain un
chef d’un parti dit de gauche désignait le beauf comme une sorte de bouc
émissaire responsable de tous les maux , ce serait aussi peu pertinent que ceux
qui le font pour les bobos , ce sont des catégories sociologiquement
inexistantes , le beauf ça peut tout dire et rien dire en fonction de
l’usage qu’on en fait. A l’opposé du cliché « bobo » , le sociologue
met en évidence la catégorie des "gentrificateurs" et là on entre dans un
phénomène qui a une validité sociologique et qui a une dimension véritablement
politique puisque la gentrification impacte durablement la structure des
métropoles avec des effets objectivement mesurables.
-Juste une
précision par rapport à ta phrase « les bobos existent parce qu’on
arrive à dresser un portrait-robot idéologique assez fidèle du bobo,
portrait-robot qui est aisément vérifiable empiriquement » : dans
leur livre ( que je n’ai pas encore lu mais ça ne saurait tarder ) , Colin
Giraud et ses collègues expliquent justement que le terme bobo renvoie plus à
des anecdotes qu’à des données construites empiriquement. Mais je ne peux pas
en dire plus , il faudrait que je lise leur livre.