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Commentaire de Étirév

sur Qui est responsable du chaos au Moyen-Orient depuis plus d'un demi-siècle ? | Axe de la Résistance


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Étirév 4 janvier 10:35

1927
Le désordre moderne a pris naissance en Occident, et, jusqu’à ces dernières années, il y était toujours demeuré strictement localisé ; mais maintenant il se produit un fait dont la gravité ne doit pas être dissimulée : c’est que ce désordre s’étend partout et semble gagner jusqu’à l’Orient. Certes, l’envahissement occidental n’est pas une chose toute récente, mais il se bornait jusqu’ici à une domination plus ou moins brutale exercée sur les autres peuples, et dont les effets étaient limités au domaine politique et économique ; en dépit de tous les efforts d’une propagande revêtant des formes multiples, l’esprit oriental était impénétrable à toutes les déviations, et les anciennes civilisations traditionnelles subsistaient intactes. Aujourd’hui, au contraire, il est des Orientaux qui se sont plus ou moins complètement « occidentalisés », qui ont abandonné leur tradition pour adopter toutes les aberrations de l’esprit moderne, et ces éléments dévoyés, grâce à l’enseignement des Universités européennes et américaines, deviennent dans leur propre pays une cause de trouble et d’agitation. Il ne convient pas, d’ailleurs, de s’en exagérer l’importance, pour le moment tout au moins : en Occident, on s’imagine volontiers que ces individualités bruyantes, mais peu nombreuses, représentent l’Orient actuel, alors que, en réalité, leur action n’est ni très étendue ni très profonde ; cette illusion s’explique aisément, car on ne connaît pas les vrais Orientaux, qui du reste ne cherchent nullement à se faire connaître, et les « modernistes », si l’on peut les appeler ainsi, sont les seuls qui se montrent au dehors, parlent, écrivent et s’agitent de toutes façons.
Déclarons-le très nettement : l’esprit moderne étant chose purement occidentale, ceux qui en sont affectés, même s’ils sont des Orientaux de naissance, doivent être considérés, sous le rapport de la mentalité, comme des Occidentaux, car toute idée orientale leur est entièrement étrangère, et leur ignorance à l’égard des doctrines traditionnelles est la seule excuse de leur hostilité. Ce qui peut sembler assez singulier et même contradictoire, c’est que ces mêmes hommes, qui se font les auxiliaires de l’« occidentalisme » au point de vue intellectuel, ou plus exactement contre toute véritable intellectualité, apparaissent parfois comme ses adversaires dans le domaine politique ; et pourtant, au fond, il n’y a là rien dont on doive s’étonner. Ce sont eux qui s’efforcent d’instituer en Orient des « nationalismes » divers, et tout « nationalisme » est nécessairement opposé à l’esprit traditionnel ; s’ils veulent combattre la domination étrangère, c’est par les méthodes mêmes de l’Occident, de la même façon que les divers peuples occidentaux luttent entre eux ; et peut-être est-ce là ce qui fait leur raison d’être. En effet, si les choses en sont arrivées à un tel point que l’emploi de semblables méthodes soit devenu inévitable, leur mise en œuvre ne peut être que le fait d’éléments ayant rompu toute attache avec la tradition ; il se peut donc que ces éléments soient utilisés ainsi transitoirement, et ensuite éliminés comme les Occidentaux eux-mêmes. Il serait d’ailleurs assez logique que les idées que ceux-ci ont répandues se retournent contre eux, car elles ne peuvent être que des facteurs de division et de ruine ; c’est par là que la civilisation moderne périra d’une façon ou d’une autre ; peu importe que ce soit par l’effet des dissensions entre les Occidentaux, dissensions entre nations ou entre classes sociales, ou, comme certains le prétendent, par les attaques des Orientaux « occidentalisés », ou encore à la suite d’un cataclysme provoqué par les « progrès de la science » ; dans tous les cas, le monde occidental ne court de dangers que par sa propre faute et par ce qui sort de lui-même.
La seule question qui se pose est celle-ci : l’Orient n’aura-t-il à subir, du fait de l’esprit moderne, qu’une crise passagère et superficielle, ou bien l’Occident entraînera-t-il dans sa chute l’humanité tout entière ? Il serait difficile d’y apporter actuellement une réponse basée sur des constatations indubitables (...) Mais laissons là encore une fois les anticipations, et ne regardons que les événements actuels : ce qui est incontestable, c’est que l’Occident envahit tout ; son action s’est d’abord exercée dans le domaine matériel, celui qui était immédiatement à sa portée, soit par la conquête violente, soit par le commerce et l’accaparement des ressources de tous les peuples ; mais maintenant les choses vont encore plus loin. Les Occidentaux, toujours animés par ce besoin de prosélytisme qui leur est si particulier, sont arrivés à faire pénétrer chez les autres, dans une certaine mesure, leur esprit antitraditionnel et matérialiste ; et, tandis que la première forme d’invasion n’atteignait en somme que les corps, celle-ci empoisonne les intelligences et tue la spiritualité ; l’une a d’ailleurs préparé l’autre et l’a rendue possible, de sorte que ce n’est en définitive que par la force brutale que l’Occident est parvenu à s’imposer partout, et il ne pouvait en être autrement, car c’est en cela que réside l’unique supériorité réelle de sa civilisation, si inférieure à tout autre point de vue.
Chose extraordinaire, ce moment où l’Occident envahit tout est celui que certains choisissent pour dénoncer, comme un péril qui les remplit d’épouvante, une prétendue pénétration d’idées orientales dans ce même Occident ?
Les représentants authentiques des doctrines traditionnelles n’éprouvent de haine pour personne, et leur réserve n’a qu’une seule cause : c’est qu’ils jugent parfaitement inutile d’exposer certaines vérités à ceux qui sont incapables de les comprendre ; mais ils n’ont jamais refusé d’en faire part à ceux, quelle que soit leur origine, qui possèdent les « qualifications » requises ; est-ce leur faute si, parmi ces derniers, il y a fort peu d’Occidentaux ? Et, d’un autre côté, si la masse orientale finit par être vraiment hostile aux Occidentaux, après les avoir longtemps regardés avec indifférence, qui en est responsable ? Est-ce cette élite qui, toute à la contemplation intellectuelle, se tient résolument à l’écart de l’agitation extérieure, ou ne sont-ce pas plutôt les Occidentaux eux-mêmes, qui ont fait tout ce qu’il fallait pour rendre leur présence odieuse et intolérable ?
Il suffit que la question soit ainsi posée comme elle doit l’être, pour que n’importe qui soit capable d’y répondre immédiatement ; et, en admettant que les Orientaux, qui ont fait preuve jusqu’ici d’une incroyable patience, veuillent enfin être les maîtres chez eux, qui donc pourrait songer sincèrement à les en blâmer ? Il est vrai que, quand certaines passions s’en mêlent les mêmes choses peuvent, suivant les circonstances, se trouver appréciées de façons fort diverses, voire même toutes contraires : ainsi, quand la résistance à une invasion étrangère est le fait d’un peuple occidental, elle s’appelle « patriotisme » et est digne de tous les éloges ; quand elle est le fait d’un peuple oriental, elle s’appelle « fanatisme » ou « xénophobie » et ne mérite plus que la haine ou le mépris. D’ailleurs, n’est-ce pas au nom du « Droit », de la « Liberté », de la « Justice » et de la « Civilisation » que les Européens prétendent imposer partout leur domination, et interdire à tout homme de vivre et de penser autrement qu’eux-mêmes ne vivent et ne pensent ? (R. Guénon)
La meilleure façon d’être un occidental est de s’intéresser à l’Orient : Il s’agit non d’imposer à l’Occident une tradition orientale, dont les formes ne correspondent pas à sa mentalité, mais de restaurer une tradition occidentale avec l’aide de l’Orient.


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