Alain Soral à Hong Kong : "Je suis un anti-démocrate assumé"
Alain Soral était à Hong Kong le 28 novembre 2012. Il y a donné une conférence dans le café-pétanque « Les Boules », puis, le 30 novembre, a participé à une rencontre-discussion dans la librairie « Parenthèses ».
Conférence au café « Les Boules », partie 1 :
Conférence au café « Les Boules », partie 2 :
Rencontre-discussion à la librairie Parenthèses :
C’est à la fin des questions-réponses, dans la 2e vidéo, qu’Alain Soral dit son opposition à la démocratie représentative (de marché et d’opinion), qui est nécessairement, selon lui, le pouvoir des plus riches, manipulant par les mass media la population inculte. Il se fait alors le partisan d’une sorte de despotisme éclairé, où il s’agirait pour lui de faire le bonheur du peuple à son insu : "J’estime que je suis mieux formé que vous, moi je veux passer par un processus révolutionnaire, et faire votre bien malgré vous, parce que souvent vous ne savez pas ce qui est bien pour vous", lance-t-il à son public (51 min 50). "Et je suis authentiquement un anti-démocrate assumé, et je le revendique clairement", renchérit-il.
Plus loin il dit, sans se rendre compte de la contradiction manifeste : "Je suis beaucoup trop démocrate pour être démocrate", précisant qu’il aime beaucoup Etienne Chouard et son idée de tirage au sort ; c’est au nom de la "vraie démocratie" que Soral rejetterait la "fausse démocratie" actuelle ? Mais non, car même dans une vraie démocratie, si l’on éviterait sans doute le pouvoir de l’argent, on n’éviterait pas le pouvoir des incompétents, qui est manifestement sa hantise. Or, la démocratie, c’est précisément le régime politique où le pouvoir revient à ceux qui n’ont aucun titre à gouverner - en particulier la compétence.
Démocrate malgré lui
Soral propose alors étrangement de dissoudre la démocratie pour mieux la reconstruire : "Il faudrait d’abord abolir la démocratie, refaire un vrai travail de formation citoyenne pour pouvoir la relancer derrière, car ma dimension démocratique elle est celle-là, c’est que je dis que le seul moyen que les gens ne votent pas trop mal, c’est qu’ils soient cultivés politiquement, c’est de leur donner le maximum d’information, de formation historique, économique, etc., et c’est le seul travail que je fais, et c’est en cela que je suis un démocrate malgré moi, c’est que je pense qu’un citoyen bien formé ne vote pas trop mal". Un citoyen éclairé vaut certes mieux qu’un citoyen ignorant, en proie à toutes les manipulations. Mais Soral semble suggérer que le citoyen éclairé votera "bien" ou "pas trop mal", autrement dit plus ou moins comme lui... ce qui revient à nier la démocratie, dans laquelle il faut admettre que des citoyens, même éclairés, puissent avoir des opinions très différentes. Les cadres de l’UMP et du PS ne sont-ils pas éclairés ? Comme ceux des autres partis d’ailleurs ? Que nous soyons éclairés ne signifie pas que nous atteignions l’unanimité, et c’est ce que Soral ne semble pas comprendre.
Soral manifeste ainsi les mêmes hésitations que nombre de personnes qui assistent aux conférences d’Etienne Chouard : tous démocrates, à condition que leurs semblables prennent les "bonnes décisions", c’est-à-dire les leurs. Et Chouard ne manque jamais de faire remarquer à ces personnes (souvent de gauche) qu’en disant cela elles ne sont pas démocrates. Etre démocrate, c’est accepter que la majorité prenne de "mauvaises décisions" (de notre point de vue). Sinon, en effet, comme le dit Soral, il ne reste que le coup de force pour faire le "bien" à la place du peuple, parce que soi-même on prétend savoir ce qu’est le bien. Il faudrait que Soral comprenne que même un homme éclairé - aussi aberrant que cela puisse lui apparaître - peut voter Copé, Aubry, Duflot ou Besancenot... être ultra-libéral, pour le mariage gay, le communautarisme et le sionisme... et ne soit pas tenté par le survivalisme.
Puisque Soral aime bien Chouard, celui-ci pourrait lui donner quelques leçons de démocratie. Ils tomberont sûrement d’accord pour reconnaître le caractère assez insupportable de ce régime, où les idiots peuvent s’exprimer et parfois diriger ; mais c’est aussi le seul régime où le peuple n’est pas totalement à la merci d’un chef, et ne doit pas compter, impuissant, sur sa bienveillance. Vaste question en tout cas... Alors à quand le débat tant attendu entre Etienne Chouard et Alain Soral ?
Tags : Politique Démocratie Citoyenneté Alain Soral Etienne Chouard
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