• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Conférence : démocratie et internet - 2019

Conférence : démocratie et internet - 2019

Une conférence réalisée à l'École Nationale des Finances Publiques (ENFIP), en janvier 2019. L'échange de questions/réponses avec de futurs inspecteurs des finances est particulièrement intéressant. (Pardon de sortir du cadre par moments)

Tags : Politique Internet Démocratie




Réagissez à l'article

4 réactions à cet article    


  • 1 vote
    maQiavel maQiavel 19 avril 2019 21:18

    Si on part du postulat que le média module les interactions sociales et que par conséquent, une mutation des moyens de diffusion de l’information a pour effet d’engranger un changement de société, la question qui est posée à 50 min 30 sec est extrêmement importante et elle oblige à penser que ces transformations vont bien au-delà de la notion de verticalité et d’horizontalité. Je m’explique :

    - Face à la verticalité des médias institutionnels, à leur monopole du formatage des esprits et à la propagande oligarchique, l’horizontalité d’internet apparaissait comme un espace de liberté virtuel qui pouvait permettre à tout un chacun de chercher l’information de façon autonome, qui possédait un énorme potentiel en termes de pluralisme, d’échange et de circulation de l’information et qui par ses qualités devait ringardiser la pensée unique oligarchique.

    - Seulement, l’humain a tendance à s’accrocher à ses croyances, à ses préjugés, à ses idées préconçues, à son paradigme, tout simplement parce que ces éléments sont constitutifs de son identité. Ainsi, après un certain temps de rodage, les gens ne vont plus sur internet pour découvrir des idées nouvelles mais pour confirmer celles qu’ils possèdent déjà. Pour arriver à ce résultat, d’une part, ils entrent en contact préférentiellement avec des personnes qui ont des idées similaires aux leurs et d’autre part ils mettent en place des stratégies d’évitement face à des opinions contraires. Les usagers se retrouvent donc dans des clans qui les tient au chaud dans leur sorte de zone de confort intellectuel. Les algorithmes de personnalisation renforcent cette tendance anthropologique au « tribalisme » puisque les plateformes renvoient leurs utilisateurs vers des personnes similaires, réenclenchant ainsi des logiques de groupe pour maximiser la satisfaction des usager.s Au bout du processus, l’internaute se retrouve enfermé dans ses propres certitudes, radicalise progressivement ses points de vue et se retrouve dans l’incapacité ne serait-ce que de prendre en compte l’existence de contenus dissonants.

    -Mon point est le suivant : si on admet ton postulat de départ Alban, alors force est de constater que l’émergence du média internet ne conduira pas seulement à une horizontalisation des rapports sociaux mais aussi à leur polarisation sectaire ! Finit les grands clivages des siècles passés qui structuraient les masses, nous entrons à l’ère de l’atomisation des rapports sociaux en de multiples sectes qui constituent des bulles au sein desquelles l’information circule dans un cercle contraint. Les réseaux sociaux sont en fait des machines qui obéissent à des logiques sectaires fonctionnant en cercle fermé, la multipolarisation des systèmes de représentation qui en découle et les dynamiques d’enfermement idéologique vont conduire à l’abêtissement et à la brutalisation du débat public.

    Brutalisation parce que chaque bulle aura tendance à se purger des éléments non conformes pour se préserver du sentiment d’insécurité lié à la remise en question des opinions communément admises, et cela passera par des logiques d’exclusions méprisantes. La controverse ne sera envisagée que pour convertir un adversaire et si ce n’est pas possible, pour le vaincre par tous les moyens possibles, y compris par le recours à l’agressivité qui va devenir un registre normal de l’expression.  Abêtissement si l’adversaire a du répondant, il sera alors inondé de messages vulgaires, trollesques et absurdes dans le but de l’irriter et de le dénigrer de façon personnelle, ce qui de manière générale baissera considérablement le niveau des débats.

    Comprenons-nous bien, je ne parle absolument pas de morale, je fais une analyse comportementale prospective en partant de ce constat : les êtres humains sont des créatures extrêmement sociales qui construisent leur paradigme conformément à leurs affiliations à des groupes. Pour donner un exemple concret, les paranoïaques du grand complot ont fait niche sur internet, ils ne sont pas les seuls, loin de là mais c’est l’un des groupes les plus à la pointe dans ce processus de polarisation sectaire. Je pense aussi aux cybers militants d’un certain parti politique que je ne citerai pas mais bon, tout le monde aura compris …

     


    • vote
      Alban Dousset Alban Dousset 20 avril 2019 09:32

      @maQiavel

      Salut MaQ,

      "Seulement, l’humain a tendance à s’accrocher à ses croyances, à ses préjugés, à ses idées préconçues, à son paradigme, tout simplement parce que ces éléments sont constitutifs de son identité. Ainsi, après un certain temps de rodage, les gens ne vont plus sur internet pour découvrir des idées nouvelles, mais pour confirmer celles qu’ils possèdent déjà."

      Cela est vrai, mais seulement dans une certaine mesure. Tous les humains ne sont pas guidés par une forme de conformité obsessionnelle. Certains oui, mais pas tous. Certains autres sont bien plus guidés par le goût de la vérité que par celui de la conformité. En l’espace de 2 ou 3 ans, j’ai énormément changé et cela je le dois à la manne d’informations disponibles sur internet. J’ai vu des gens changer, plus lentement, sans rupture radicale avec leurs opinions politiques, mais dans une forme de "glissement" idéologique.

      Fondamentalement, les réseaux sociaux virtuels sont, dans la pratique, le reflet du réseau social réel. Et ce reflet virtuel du réseau social réel comporte, lui aussi, une forme de diversité (très relative) sur le plan social ou politique.

      La chose la plus intéressante que je constate parmi les jeunes générations, c’est le rejet du clivage politique et l’instrumentalisation des partis diabolisés. (Par exemple : https://www.youtube.com/watch?v=PJIOo9D0cS4)

      Cependant, je reconnais qu’il persiste des formes de clivages latents, persistants. (Les analyses de "gull horizon" qui se focalisent sur la droite identitaire/réactionnaire ; les invités de thinkerview qui demeure "politiquement correct" sur les questions des clivages ethniques et les problématiques identitaires.)

      Je ne veux pas préjuger des dynamiques d’enfermement idéologique et du rapport de force entre goût de la vérité et goût de la conformité. En situation de stabilité socio/économique, je dirais que la conformité l’emporte sur la vérité. Mais en situation de crise et d’instabilité, je pense que ce rapport s’inverserait

      "l’émergence du média internet ne conduira pas seulement à une horizontalisation des rapports sociaux, mais aussi à leur polarisation sectaire"

      C’est vrai, mais seulement dans une certaine mesure. En pratique, les réseaux sociaux virtuels sont le reflet du réel (et non l’inverse, du moins pas encore). Donc, même si une "polarisation sectaire" ou une "radicalisation idéologique" se produit dans l’espace virtuel, elle retourne nécessairement au réel. D’une certaine manière, la "passion militante" ou la "vigueur idéologique" engrangée dans le virtuel se répand nécessairement dans le réel, parfois de manière extrêmement violente (cf. les divers attentats islamiques ou racistes), parfois de manière inattendue et pacifique (cf. ma conférence au sein de l’ENFIP), mais le plus souvent à travers des discussions plus ou moins animées entre amis, familles ou collègues.


    • vote
      maQiavel maQiavel 20 avril 2019 17:27

      @Alban Dousset

      Je suis bien évidemment d’accord sur le fait que certains sont guidés par le gout de la découverte et non de la conformité. Mais ce n’est pas la tendance générale. Est-ce que cette tendance s’inverserait en cas de crise ? Je crois que les temps de crises sont des temps de radicalisation et dans cette configuration de polarisation sectaire, ce seraient les pôles qui se radicaliseraient, avec au milieu des gens qui iraient à l’un ou l’autre pole au gré du vent et des circonstances.


    • vote
      Alban Dousset Alban Dousset 20 avril 2019 17:37

      @maQiavel
      Au gré du vent, des circonstances et des perceptions subjectives de la vérité.
      Mais nous sommes globalement d’accord. smiley



Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON


Publicité





Palmarès