Ilan Halimi et Youssouf Fofana, sacrifiés pour raison d’état ?
L’avocate de Youssouf Fofana, Isabelle Coutant-Peyre, accuse la police d’avoir « laissé faire » l’assassinat d’Ilan Halimi à des fins politiques. Suite à sa récusation par son client, l’épouse de Carlos revient pour la première fois, dans un entretien exclusif, sur les véritables enjeux, selon elle, du procès en cours du « gang des barbares ».
L’avocate récusée par son client le 19 mai lui conserve toute son admiration, envers et contre tous. Youssouf Fofana, "extrêmement courageux et très intelligent", comparé aux militants d’extrême-gauche des années 80, ne serait pas, d’après elle, coupable pénalement de la mort d’Ilan Halimi. Paradoxalement, elle rejoint la mère de la victime dans ses reproches envers la police, allant plus loin que Ruth Halimi : après le kidnapping, début 2006, il n’y aurait pas eu incompétence mais obstruction volontaire de l’investigation.
L’accusation est grave : pour expliquer l’échec de l’enquête policière afin de retrouver Ilan Halimi durant sa séquestration, Isabelle Coutant-Peyre, qui défendit Youssouf Fofana depuis l’ouverture du procès le 29 avril, dénonce une "complicité objective" de la hiérarchie policière qui aurait "laissé passer le temps".
Les autorités compétentes, depuis le ministre de l’Intérieur à l’époque, Nicolas Sarkozy, alors en pré-campagne électorale, jusqu’aux responsables de la police judiciaire, auraient "évalué" le temps nécessaire pour que se produise le "dérapage". Ils auraient donc décidé cyniquement d’attendre que le drame s’accomplisse afin que survienne une "affaire emblématique" de la montée de l’antisémitisme en France.
Derrière le fait divers, la raison d’Etat(s)
But ultime du procès, selon l’épouse de Carlos : favoriser la concordance du "triangle sioniste", à savoir l’alliance géostratégique entre Israël, la France et les Etats-Unis, en sacrifiant Youssouf Fofana dont la condamnation sera un "trophée" octroyé aux "trois communautés".
Isabelle Coutant-Peyre revient également sur l’implication désormais avérée de la DGSE dans l’enquête policière, suggérant au passage que l’enterrement d’Ilan Halimi à Jérusalem est un indice supplémentaire de l’éventuelle participation du Mossad dans le montage de l’affaire. Plus surprenant, elle fait le parallèle avec l’attentat en 1975 de la rue Thoullier, pour lequel son client et époux Carlos avait été condamné. Celui-ci accusa par la suite les services secrets israéliens d’avoir monté toute l’opération, s’appuyant en cela sur la confession, dans un ouvrage paru en 1990, d’un ancien agent du Mossad, Victor Ostrovsky. Or, Isabelle Coutant-Peyre dresse une comparaison avec la mort d’Ilan Halimi, indiquant que le but politique occulte était similaire à celui de l’attentat de la rue Thoullier : décourager le parti pris affiché, en faveur des Palestiniens, des autorités françaises en suscitant une crainte du terrorisme ou de l’antisémitisme dans l’opinion publique.
Avocate du diable
L’avocate, ancienne collaboratrice de Jacques Vergès et adepte de la "défense de rupture", coutumière des dossiers sensibles, fréquentant ou défendant des personnages controversés (Carlos, Garaudy, Kemi Seba, entre autres), prône la dissidence dans ses marges les plus radicales, se déclarant elle-même "ennemie de l’Etat". Se positionner contre les pouvoirs, étatiques ou communautaristes, n’est pas sans risque : outre le discrédit professionnel et médiatique, Isabelle Coutant-Peyre, toujours sur la corde raide et parfois dans l’ambiguïté du propos, continue à ce jour de recevoir insultes et menaces physiques.
Défendre Youssouf Fofana, coûte que coûte. Qu’il s’agisse d’une position légitime, subversive ou outrancière, c’est le prix à payer : l’opprobre. Eventuellement, la diffamation. Au pire, la mort.
Tags : Justice
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