L’inquiétant néonationalisme qui se généralise
Derrière l’aspect comique (mais certainement pas dénué de gravité) de cette vidéo, quelques réalités beaucoup plus sérieuses et beaucoup plus inquiétantes. Perspectives des politiques soumises au Marché (comme celle de M. Nicolas Sarkozy) où la sécurité, le "devoir économique" et le nationalisme prévalent : développement, nature et conséquences de ce "néonationalisme" franchement pas démocrate (et pourtant si !).
Clairement, les marchés sont rationnels et considèrent l’humain comme un être économique rationnel lui aussi. La victoire de N. Sarkozy correspond aux attentes, aux craintes et aux demandes de 54% de Français : le choix démocratique de la France est tranché.
Le marché financier, vivement critiqué par l’extrême gauche marxiste ou trotskiste, plutôt considéré avec respect mais sévérité par une gauche socialiste qui se libéralise et largement, bien entendu, défendu par la droite libérale française, s’avère donc évidemment très rationnel (très logique) : son choix s’est posé avec cohérence sur le candidat Sarkozy.
La victoire de M. Sarkozy poursuit l’aspect évident que l’économie libérale perd le joug de l’administration politique de la plupart des Etats européens (pour être plus libre et s’équilibrer plus facilement, en théorie) et qu’il est clairement demandé à la population de ces Etats de se plier à l’économique et à la loi du marché (dans un but de performance économique nationale qui parle à tout le monde, qu’on soit du "capital" ou petit "travailleur").
Comme nous l’avons vu pendant la campagne et le débat, le programme économique de chacun des deux derniers candidats était validé par des experts (et partisans) de la spécialité. Le programme Sarkozy, de droite, donc libéral et
"classique" ou "néoclassique" dans la dénomination scientifique et théorique de l’économie, apparaît évidemment plus intéressant pour le marché financier (et plus largement pour le "capital" et la libre économie).
Seulement, le programme de Nicolas Sarkozy insiste sur des aspects politiques nationalistes d’autorité, de sécurité, de morale et d’identité nationale qui ne correspondent pas avec la libre économie (le nationalisme tend à l’autarcie ou au protectionnisme). Les Etats-Unis, clairement libéraux
et proches du "tout économique" s’avèrent largement défenseurs du libéralisme dans le monde mais plutôt protectionnistes dans certains de leur secteurs économiques, et leur nationalisme, qu’ils qualifient de "patriotisme", est bien connu.
La logique mondiale d’organisation de l’économie entre marchés libres et rationnels ne correspond pas à une logique pragmatique et harmonieuse mais au contraire à une certaine recherche d’avantages économiques pour des Etats développés face à d’autres ou face aux Etats en développement où le libéralisme est là, quant à lui, bel et bien appliqué de façon générale (tant au niveau économique pur, qu’au niveau social).
La montée de plus en plus fréquente du nationalisme en Europe (Hollande,Italie, Autriche et France maintenant) n’est-elle pas l’annonciatrice d’une montée des rivalités (économiques ou humaines) entre "pays du Nord" et "pays du Sud" où les uns (le Nord) répandent un modèle économique clair et effectivement rationnel (mais relativement théorique) aux autres (le Sud) sans respecter clairement ce modèle chez eux.
L’ultralibéralisme (ou plus concrètement le
libéralisme libéré de réglementations du travail, du nombre d’heures travaillées ou de notions de "qualité de société") n’est-il pas un modèle plus efficace (en théorie en tout cas) lorsqu’il est appliqué de
façon généralisée ?
Mais n’est-il pas en même temps un danger pour la cohésion des Etats du monde lorsqu’il est défendu comme une valeur politique et lorsqu’il y a une réelle volonté d’étendre ces
valeurs sans en respecter les notions complètement (d’où l’inefficacité sur la conscience des peuples et les sentiments de manipulation qu’ils ressentent) ?
Il existe un réel désir des peuples du
Sud d’arriver au développement social du Nord comme celui des pays européens par exemple, mais ce développement est passé par les notions sociales de
droits du travail et les analyses économiques marxistes, socialistes ou keynésianistes antilibérales ou modérées. N’y
a-t-il pas ici un constat qui pose problème ?
Un
constat inquiétant en fait, car le marché financier a pleinement sa
responsabilité mais il peut poser un certain veto
économique sans failles pour affaiblir les mécontentements d’un Etat
qui ne veut pas suivre cette logique de soumission (comme les Etats-Unis pourraient
par exemple poser un droit de veto politique contre toute éventuelle sanction de
l’ONU face à leur pratique antidémocratique en Irak tout autant
vis-à-vis du peuple irakien que de leur propre peuple). Sur un Etat, mais pas sur un peuple ou sur une idéologie.
Nous
insistons volontairement sur le lien que nous faisons entre politique économique soumise au marché, politique étatique de désinformation et politique internationale (même si nous employons ici une association de mots basée sur la notion de "veto").
En effet, la victoire de Nicolas Sarkozy en France à nos élections correspond donc, entre autres, à l’intérêt du marché financier : un intérêt utile et efficace pour la dynamique économique libérale mais certainement pas pour le progrès social et civique du monde et peut-être pas vraiment cohérent pour la solidité légitime de la démocratie dans le monde. On voit en effet par exemple dans l’Autriche nationaliste, la semaine de travail passer bientôt à 60 heures, contre 40 heures précédemment : un argument pour la politique de M. Sarkozy, dans l’intérêt des entreprises et de l’économie mais pas vraiment dans l’intérêt d’une vie individuelle moderne libérée de la "contrainte travail".
En résumé, le nationalisme européen qui se
développe se base en grande partie sur l’effort de tous pour le
rayonnement économique de l’Etat où il s’applique. Un nationalisme qui
peut, comme aux Etats-Unis, se voir soutenir par un peuple désinformé
ou manipulé et qui n’est pas sans conséquences sur l’interprétation négative de certaines franges du peuple des pays du Sud qui voient dans ces puissances politiques du Nord l’ennemi à combattre et qui assument, en même temps et avec la même manipulation des esprits, une profonde fierté de certaines valeurs qui n’ont rien à envier aux pires nationalismes de la Seconde Guerre mondiale (d’où la notion de risques pour la démocratie dans le monde entier).
En effet, de façon plus générale, le rôle de la politique démocratique n’est-il pas de garantir l’information et l’administration de ses citoyens ? N’est-il pas du rôle de l’homme politique d’administrer l’économie et d’informer objectivement le peuple comme il doit "administrer la cité" et s’informer dans l’optique de l’"intérêt général" ? Dans cette logique sémantique, Nicolas Sarkozy propose deux choses qu’il va appliquer car c’est son programme : libérer l’économie de l’intervention ou de la régulation de l’Etat en réduisant l’impact et le rôle des politiques dans cette même économie (malgré l’aspect essentiel que représente l’activité économique sur nos vie de citoyens) et l’application plus ou moins claire du modèle américain en Europe. L’Etat ne se déresponsabilise-t-il pas ainsi d’une de ses fonctions principales dans son aspect moderne : administrer l’économie ?
Et dans le même temps, le modèle démocratique
américain, sur lequel Nicolas Sarkozy pose de nombreuses convergences diplomatiques,
n’est-il pas basé sur une administration de l’information
dans le seul "intérêt particulier" de ses dirigeants, des puissances économiques et financières et n’est-il pas aussi basé sur certaines valeurs morales, sécuritaires et autoritaires soumises à la logique d’un marché
qui se dit rationnel mais certainement pas raisonnable ?
Alors on peut se rassurer que notre économie va être relativement bien "boostée" par la politique de M. Sarkozy à la tête de l’Etat mais il est certain que le peuple français va devoir aussi se "serrer la ceinture" pendant quelques années pour parvenir à retrouver une dynamique économique performante et une situation de plein-emploi (de chômage naturel classique, inférieur à 5%).
Mais on peut aussi et surtout s’inquiéter d’une dérive antidémocratique de l’information des citoyens, dérive qui passera assez inaperçue et qui laissera planer chez la majorité des Français l’idée vague que l’administration de la démocratie n’est plus de leur ressort ou qu’elle l ’est encore un peu mais pas dans la réalité des prises de décisions, masquée par une désinformation volontaire qui incitera a priori leur comportement à suivre pleinement consciemment ces décisions pour finalement obverser a posteriori sans réactions massives l’action antidémocratique organisée.
Clairement, en anticipant de façon caricaturale un possible futur proche, l’assassinat d’un chef de l’Etat souhaitant une stabilisation du conflit Nord-Sud passera pour un complot terroriste commandité par le Sud alors qu’il s’agira après études et enquêtes moins officielles d’un complot purement étatique, comme nous avons eu l’exemple avec l’assassinat du démocrate J.-F. Kennedy, le 22 septembre 1963 à Dallas.
Evidemment, tout ceci est anticipations et leçons de l’Histoire mais il s’agit aussi aujourd’hui en France et de plus en plus en Europe d’un choix conscient et démocratique qui a ses conséquences et qui a été fait. Mais ce choix n’a rien de tellement suprenant car, effectivement (et le choix se voit alors argumenté), le "tout économique" et la désinformation sont le chemin que suit et qui est suivi depuis maintenant cinquante ans dans le monde entier. L’Europe, et la France en particulier, n’a pas à particulièrement s’affranchir de ce mouvement mais, en même temps, les peuples et les politiques de ces Etats affirment une volonté nationaliste qui devrait, logiquemment, les inciter à justement contrecarrer cette tendance qui efface de plus en plus les notions d’Etats-nations pour la remplacer par la notion, plus économique, de marché européen par exemple.
Une "schizophrénie politique" pourrait-on dire, pathologie des consciences démocratiques modernes induite par l’impossibilité de suivre et l’économie et le respect de la société citoyenne, proposant alors finalement une notion politique nouvelle collée au "devoir économique" : le néonationalisme (une nation qui définira sa fierté par l’efficacité humaine et statistique de son économie aux yeux du monde et qui donnera une impression de démocratie à ses citoyens par une désinformation plus ou moins fine de la population... finalement, de façon plus résumée, une généralisation du modèle américain actuel en termes de société, de politique, d’économie et d’information).
Le
développement de ce "néonationalisme" en Europe et la persistance toujours actuelle de la désinformation et de
l’esprit patriotique issus de la guerre froide aux Etats-Unis ne va-t-il pas entamer une nouvelle
division internationale et diplomatique naissante entre pays du Nord cherchant la
domination, ou en tout cas la réussite économique, et pays du Sud
souhaitant la prospérité du Nord et en même temps son modèle social et
politique (à savoir aujourd’hui, entre autres, ce "néonationalisme"
pseudo-démocratique) ?
Alors à voir, à suivre ... Mais ne nous voilons pas la face : le nationalisme, même s’il se présente sous une nouvelle forme aujourd’hui, est clairement la source de tous les conflits modernes et passés du monde. On peut s’inquiéter de cela, mais M. Sarkozy ne fait que suivre une tendance qui se généralise. Malheureusement le peuple suit, lui aussi. Il n’est pas question ici de taxer M. Sarkozy d’être un danger réel, au jour d’aujourd’hui (et au vu de son discours), pour la démocratie française (en tout cas dans ce qu’il y aura de visible) mais on pourra peut-être et malheureusement le présenter comme un des nombreux responsables de la généralisation des rivalités nouvelles et naissantes entre les différents peuples, les différentes idéologies et les différents Etats du monde où de nombreux dirigeants et leaders considèrent encore la rivalité économique comme la justification de rivalités meurtrières sous des prétextes parfois des plus douteux (l’Iran à venir par exemple, les Etats-Unis en Irak, l’islamisme terroriste d’Al Qaïda, etc.). Le tout n’est franchement pas très réjouissant mais il s’agit d’un choix démocratique libre qui peut nous inciter à concevoir une limite de la démocratie actuelle où la "masse" (orientée par les "mass-media") n’a pas conscience de toutes les conséquences de ses actes civiques.
Tout ceci n’est que constations et interrogations, inquiétantes c’est certain, mais contre lesquelles visiblement le peuple ne peut pas grand-chose, si ce n’est le refus progressif des mesures antidémocratiques qui vont avoir tendance à se généraliser. Une question de responsabilité évidemment qui n’aura certainement pas comme contre-argument l’idée qu’il faut "assumer ses actes de citoyen" : l’élection de Nicolas Sarkozy et le développement du néonationalisme pseudo-démocratique qui s’étend depuis les Etats-Unis jusqu’en Europe et qui tend à fragiliser l’équilibre pacifique mondial n’est certainement pas une fatalité et encore moins la faute de nos consciences politiques individuelles, certainement pas : il n’y a que les conséquences possibles d’un acte civique de masse mais surtout la responsabilité de réparer au fur et à mesure (et dès qu’elles pourraient apparaître) ces conséquences envisagées clairement ici.
Tags : Politique Etats-Unis Société Attentats Démocratie Citoyenneté Désinformation Présidence Sarkozy Intégrismes Mondialisation
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