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Commentaire de Vaquette

sur Une histoire de censure, épisode 21


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Vaquette Vaquette 24 août 2013 16:20

@Oui-Oui aka Pabo aka Je change d’adresse IP à chaque nouveau post comme si je passais par un proxy pour éviter qu’on puisse faire le lien avec une autre identité (sur mon IP réelle) que j’ai sur ce forum.

Ouf ! Sois rassuré, mes ailes et mes œillères ne n’empêchent absolument pas de répondre moi-même à la question que je me suis d’ailleurs posé tout seul et sans ton aide et tu en seras manifestement étonné vu le ton de ton post mais j’arrive – quant aux faits objectifs – peu ou prou à la même conclusion que toi dans mon dernier épisode qui va être mis en ligne incessamment sous peu : la principale cause et de loin qui explique l’échec de ma brillante "carrière" que j’ai l’honnêteté et le courage de ne pas nier, d’assumer et d’affronter en face est qu’indubitablement ce que je fais n’intéresse pas l’immense majorité de mes contemporains qui pourraient (à quelques variantes près éventuelles) reprendre à leur compte ton opinion définitive sur mon travail. Une fois encore j’en ai pleine conscience, je l’assume et je l’étale même au grand jour dans le dernier épisode de ce feuilleton.

Je vais même plus loin, je suis également d’accord avec ton méchant mais juste : "En plus les gens qui peuvent se payer le luxe, par vanité, orgueil ou pauvreté relationnelle, de ne faire de concession avec personne, se retrouvent en général plutôt seuls et par conséquent sans moyen promotionnel."

En revanche, là où je ne suis absolument pas d’accord avec toi, c’est sur le présupposé qui sous-tend tout ton discours : en substance, le succès public valide la valeur artistique ! Pour tout te dire, la vision pragmatique – et même utilitariste et cynique et en tout état de cause sans le moindre soupçon de romantisme – du monde et de mon domaine d’activité que tu présentes ainsi, je la trouve dégoûtante (sans compter qu’elle claque la porte à la gueule de Cyrano, le génie français par excellence ou de Don Quichotte, le héros universel, pour l’ouvrir grande et avec le tapis rouge aux petits cons sortis de leur école de commerce ou de leur cours de théâtre et qui rêvent de "réussir" – beurk !) mais plus encore que ce jugement de valeur personnel, elle est de la façon la plus incontestable du monde parfaitement fausse pour ne pas dire aberrante et je serais étonné qu’au fond de toi tu ne le saches pas au moins un peu et je pense que de ta part il ne s’agit ici que "d’opportunisme intellectuel", d’une "pensée" à géométrie variable qui fluctue au gré de tes intérêts. Je veux dire que pour défendre Dieudonné et me tailler un costard, hop !, on prend ce présupposé bien confortable puisqu’il s’appuie sur la validation du plus grand nombre qui a valeur d’argument d’autorité, mais si demain sur un autre post tu as besoin de faire le beau et d’arborer fièrement la haute opinion que tu as de toi-même, tu n’hésiteras pas à jeter aux orties bien vite cette idée que le "public" puisse avoir raison en matière d’art si d’aventure il n’est plus d’accord avec toi. J’ai pour ma part au moins un mérite, c’est celui de la cohérence entre mon discours et ma pratique : ce qui plaît au plus grand-nombre ne m’intéresse que rarement en tant que public – mais mon estime pour Orelsan est bien la preuve que je ne suis pas sur ce point enfermé dans une pose élitiste artificielle comme tu l’affirmes – et qu’en tant "qu’artiste", j’y prête aussi peu d’importance.

Alors voilà, ton mépris de l’underground et des formes confidentielles, le "mérite" (pour te citer) que tu attribues à ceux qui "deviennent célèbres et arrivent à toucher un maximum de gens", etc., non seulement pour ma part je les conchie mais c’est surtout une absurdité. Il y a caché derrière la bien confortable "vérité incontestable" que tu nous assènes, l’idée que Bénabar fait des meilleurs disques que Costes ou le Ferré de la fin, que c’est Sollers et Beigbeder qui ont eu raison quand Cioran et Calaferte (dont 90% au moins des fans de Dieudo ignorent jusqu’aux noms) ont eu tort ou que Léon Bloy (que là, pour le coup, beaucoup de fans de Dieudo adulent parce que c’est l’un des auteurs préférés de Nabe) n’était qu’une pauvre merde sans talent qui passait illégitimement son temps à geindre de l’injustice qu’il ressentait d’être à ce point ignoré par la public et le système culturel de son temps. Bouais… permets-moi de ne pas partager cette hideuse vision des choses, et pour le coup, moi qui doute énormément, de pratiquement tout, là-dessus je suis absolument certain que cette inversion des valeurs démagogique est fausse : Costes, Ferré, Cioran, Calaferte, Bloy, c’est incontestablement en terme artistique infiniment supérieur à Bénabar, Sollers ou Beigbeder, que tu le comprennes ou pas, ton opinion ayant fort peu d’importance quant à la réalité de l’histoire de l’art.

Et puis, fais gaffe quand même parce que ce genre d’arguments, je te les retourne comme un gant pour cracher sur votre idole. Deux fois. Petit un, parce que si c’est bien le succès public qui valide le talent, alors Gad Elmaleh est au bas mot dix fois plus talentueux que Dieudonné et Justin Bieber cent à mille fois plus encore – ça fait mal, hein ? Et puis, petit deux, puisque Dieudo a un tel mérite d’avoir réussi à l’intérieur du système – l’éternel "Il faut monter dans l’avion pour le détourner" qui a pour seule fonction de déculpabiliser tous les cyniques, tous les lâches et tous les arrivistes –, je compte sur toi (et tes petits camarades "antisionistes") pour demain, quand un rat de café-théâtre noir fera le bon nègre anti FN dans un duo avec un Juif (et avec un producteur juif j’imagine) et obtiendra la notoriété suffisante pour devenir un comique télévisuel, lui trouver tous les mérites du monde et ne pas simplement le traiter avec la même morgue et la même condescendance que tu affiches à mon égard en le ravalant sans discuter au rang de chien du système. Une fois encore, je doute que sur ce point comme sur plein d’autres, tu puisses revendiquer alors la même cohérence que moi : pour ma part, j’aurais infiniment plus d’estime pour Dieudo s’il avait toujours été autant frontalement en opposition au système dominant qu’il l’est actuellement – libre à vous de sodomiser la vérité par tous les trous pour essayer de transformer ce qui n’est qu’un passé peu remarquable et peu estimable en une force, une intelligence et une vision du génie, libre à moi de ne pas être assez couillon et embrigadé pour y croire.

Le succès public n’a jamais validé le moins du monde la valeur artistique, ni hier ni aujourd’hui ni demain, un minimum de culture nous en convainc sans l’ombre d’un doute : il y a évidemment des milliers d’immenses artistes qui ont croupi toute leur vie ou une (trop) longue partie de leur vie dans l’underground, underground que dans ton post tu caricatures, tu méprises et tu balayes d’un revers de main de grand petit homme qui sait. C’est juste incontestable, ne t’en déplaise.

Le succès public n’a jamais validé le moins du monde la valeur artistique… mais de la même façon, l’insuccès non plus, ce serait trop facile bien sûr ! et sois parfaitement certain, n’aie crainte, que j’en ai une conscience aigüe et douloureuse (je peux t’assurer que pour ma part, je suis infiniment moins satisfait que tu n’en as l’air de ton côté) et d’ailleurs, une fois encore, ce revers de la médaille, je le présente sans fard ni fausse pudeur dans le dernier épisode de mon feuilleton vidéo : un peu comme dans la dernière scène de "8 Mile", prends le mic’ si ça t’amuse, mais c’est bon, je me suis déjà moi-même et sans t’attendre – enfin, sans vous attendre, vous êtes des centaines à me poster le même genre de trucs avec toujours ce ton insupportable et empreint de supériorité et de certitudes des donneurs de leçons qui ne font rien de leur vie si ce n’est jouer à l’auteur cachés derrière Internet –, balancé dans la gueule quelques vérités douloureuses.

Alors voilà, des gens comme toi, il y en a toujours eu, il y en aura toujours, des "qui savent" et qui ont su définitivement juger comme des bouffons prétentieux et sans talent ceux qui ne sont jamais sortis de l’underground de leur époque. Tu vas bien sûr t’inscrire en faux mais je peux t’assurer qu’avec la même morgue, la même autosatisfaction, la même arrogance tu aurais décrété du haut de ta superbe que Van Gogh n’était un barbouilleur, Léon Bloy un raté aigri ou Bartók un monsieur qui faisait du bruit prétentieux.

Tu vois, la différence – enfin, l’une des milliers de différences bien sûr – entre toi et moi, c’est que moi, réellement et humblement, je ne sais pas si je ressemble plus au portrait que tu fais de moi ou à celui qu’en font pas mal de gens largement aussi respectables et qui me considèrent comme un artiste singulier, profond, exigeant et formellement intéressant et auquel le public ne s’identifie pas (du tout) à cause paradoxalement (ou pas, en fait) de ses qualités : justement son exigence, sa complexité et une singularité trop différente de la plupart. Une fois encore, toi, tu sais, très bien pour toi, mais ton jugement n’a aucun intérêt et absolument aucune importance. Ce qui est important, si tu le veux bien (et même si tu ne le veux pas bien sûr), c’est que je vais continuer à travailler seul et sans votre assentiment pour me donner une chance, comme je l’ai écrit dans mon premier roman, de construire un monde à ma mesure, simplement pour savoir ma mesure.

Bienheureux homme, toi, tu n’as pas besoin de tant : tu sais déjà et tu es fier, content et sans doute sur ce que tu fais. Bravo !


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